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Interview Benjamin Rippert

Benjamin Rippert est certainement un de nos meilleurs représentants français sur la scène musicale, et ce sur différents domaines.

Après avoir collaboré avec des artistes aussi prestigieux que Laurent Garnier, Scan X, Angelin Preljocaj, où encore Marie-Claude Pietragalla, le rayonnement de cet artiste s'est étendu jusqu'à la musique à l'image où le spectacle vivant. Membre du groupe Planet Home-Studio, nous en avons profité pour lui poser quelques questions quant à ses expériences passées / présentes, mais aussi concernant ses futurs projets ! C'est parti !

Bonjour Benjamin et Merci d'avoir accepté notre invitation. Avant de rentrer dans le vif du sujet et parler de ton actualité, pourrais-tu nous parler un peu de toi, et plus particulièrement de ce qui t'a amené à la musique ?

Merci à vous... Ce qui m'a amené à faire de la musique c'est tout d'abord d'avoir eu un père pianiste et mélomane et un frère batteur, du coup j'ai baigné dans le jazz dès mon plus jeune âge, mais surtout ce qui m'a amené à faire de la musique, (et c'est le plus important à mon sens), c'est le fait d'avoir eu accès à de vrais instruments alors que j'étais très jeune. On m'a toujours autorisé à jouer sur les pianos, les orgues, la batterie de la maison, même quand je faisais n'importe quoi. Du coup les notes n'y étaient pas, mais le son et l'intention oui! Et ça, c'est une chose que je compte bien reproduire avec ma propre fille (qui n'a qu'un an):) Ainsi j'ai appris la musique à mon rythme et en autodidacte, je ne lis d'ailleurs toujours pas les grilles ni les partitions !

Alors que tu avais de quoi faire "cavalier seul", tu as été et es encore d'ailleurs membre du groupe LBS (Laurent Garnier, Benjamin Rippert, et Scan X). Comment en êtes vous venus à vouloir collaborer ensemble et quels étaient vos points communs ?

L.B.S, ça c'était vraiment un laboratoire à idées avec lequel malheureusement nous n'avons jamais enregistré en Live. Ce qui nous a rassemblé Laurent Garnier, Scan X et moi sur ce projet, ce ne sont pas nos points communs, mais je dirais plutôt nos différences, et du coup nos complémentarités. Laurent avait envie d'une formule ou nous serions un vrai groupe, une sorte de power trio mais dans la musique électronique. Laurent nous a apporté son énorme expérience du live et surtout du dance-floor, et bien sûr ses compos (que nous avons complètement explosées en live!) Scan X lui, c'était plutôt sa science des machines qu'il connaît sur le bout des doigts. C'est lui qui est à l'origine de la configuration du live, et lui qui nous a amené son coté très rigoureux dans les sons et les effets. Moi j'étais un peu l'opposé de lui car je n'étais pas relié en synchro avec eux. Je jouais surtout du Fender Rhodes et du Nordlead, et mon rôle était de donner un coté « crade » à l'affaire, et surtout l'impro pour essayer de nous surprendre.


LBS a eu une influence notoire sur la scène française mais aussi internationale. Peut-on selon toi parler de "French Touch", et qu'est-ce qui est le plus caractéristique de vos créations et que l'on ne retrouve nul part ailleurs ?

C'est vrai qu'avec L.B.S nous avons tourné comme des dingues. Pendant trois ans nous avons joué aux quatre coins de la planète, et c'est cette formule qui nous a permis de nous produire du plus petit club aux plus gros festivals. C'était du tout terrain ! Donc oui nous représentions une certaine musique française (enfin nous étions des Français qui se produisaient à l'étranger), mais non, je ne pense pas qu'on puisse appeler cela «French touch» si on parle en terme de style. Je me souviens qu'avec Laurent nous devions jouer un soir au Berghain qui était considéré comme le temple à ce moment là de la Techno «Minimale», et encore une fois, nous étions à mille lieux du courant du moment. Et pourtant nous avons décidé de faire de la «Maximale » ce qui n'existe pas bien sûr! Quitte à se faire descendre, il fallait le faire avec panache ha ha ha ! Et puis finalement ça a vraiment bien marché... En fin de compte, L.B.S c'était ça! Nous étions là où l'on ne nous attendait pas. Ce n'était pas un groupe à la mode, nous étions tous en osmose avec le public car nous étions capables de nous ré-inventer chaque soir !

Même si Laurent Garnier est connu entre autre comme le DJ Techno le plus accompli de sa génération, on remarque qu'avec LBS, les influences musicales sont beaucoup plus larges. Quelle a été la recette de ce métissage réussi ?

La recette c'est qu'il n'y en avait pas. Nous n'appartenions à aucun clan, aucune chapelle. Nous n'avions aucun compte à rendre, pas d'album à défendre, pas de finalité, en roue libre totale ! C'était peut être ça le secret... On jouait pour s'éclater et éclater le public, et ça, ça fonctionnait incroyablement bien.


Des trois membres de LBS, il semble que ton rôle soit en plus d'être un instrumentiste s'exprimant sur scène, d'endosser aussi celui de chef d'orchestre. Je me trompe ?

Non, le chef d'orchestre était sans aucun doute Laurent Garnier. Moi j'étais plutôt le perturbateur, celui qui faisait changer les plans au dernier moment !!! Je me souviens un jour avoir improvisé un solo de Rhodes vraiment Jazzy très harmonisé et mélodieux sur le titre Crispy Bacon ! Pour ceux qui connaissent le morceau, c'est a peu près comme sucrer une fondue savoyarde ! Laurent m'a fait comprendre que j'étais fou. Il m'a souri, et a tout de suite adapté ses séquences à mon jeu (et ça a fonctionné à merveille). C'est quelqu'un qui aime être surpris et changer les choses. d'ailleurs si ce n'était pas le cas, il n'aurait pas pris un musicien (instrumentiste) avec lui.

Là ou de nombreux artistes se limitent à l'exercice d'un seul talent, toi tu bénéficies de plusieurs cordes à ton arc. En tant que compositeur / arrangeur / producteur / etc, comment se passe la naissance d'une nouvelle compo où d'un nouveau projet en ce qui te concerne ?

Pour moi il n'y a pas de plan établi, chaque projet a sa propre histoire, et pour la composition c'est pareil. Parfois je marche dans la nature, j'ai une idée qui me vient, je l'enregistre sur mon dictaphone, et je la reprends en studio le plus vite possible. D'autres fois, c'est en trifouillant un vieux synthé analogique ou quand j'ai un nouvel instrument au studio et que je m'amuse avec, et que d'un coup l'inspiration vient me chercher (c'est d'ailleurs rarement l'inverse). Il y a aussi les rencontres avec d'autres musiciens, ou le fait d'aller écouter des nouveautés ou des vieilleries sur le net, bref ! Tout est matière à l'inspiration. Quand je fais de la musique de documentaire, j'aime bien avoir le réalisateur au téléphone et parler avec lui de son film. Pas forcément de la musique elle-même, mais plutôt des intentions, et là encore une fois l'inspiration est au rendez-vous.

Si tu ne devais préserver qu'un seul de tes talents, quel serait-il ? Plutôt compositeur / arrangeur ? Plutôt producteur ?

Je ne peux vraiment pas répondre à cette question... Je n'imagine pas mon métier sans toutes les facettes de celui-ci. La composition, je n'ai fait que ça toute ma vie. Je n'ai jamais fait de reprises, je ne pourrai pas faire autrement. L'arrangement j'adore tout autant, c'est tellement excitant de mettre en valeur une idée. Et la production permet de vraiment maitriser le processus de création jusqu'au bout. Si je le pouvais, j'aurais dix studios en même temps avec du matos différent dans chacun d'eux, et des projets dans tout les styles. Je serais tantôt musicien, arrangeur, producteur, je m'occuperais des clips, de la scénographie ... Bref, tout ! Donc pour revenir à la question je prends tout ou rien ha ha !

En plus de ta collaboration dans le groupe LBS, je sais que tu t'illustres aussi dans d'autres secteurs comme celui du spectacle vivant de la musique de film. Comment parviens-tu à rencontrer le succès en faisant un tel grand écart ?

Tout d'abord je dois remercier Laurent de m'avoir permis de travailler sur des projets avec personnalités de renom comme Angelin Preljocaj ou Marie-Claude Pietragalla et tant d'autres ... Ce n'est évidemment pas moi qui ait du succès mais plutôt leur travail. Moi je ne suis qu'au service de leur visions, et il n'y a pas vraiment de grand écart entre une musique de documentaire, de spectacle vivant, ou de pub. Il suffit juste de trouver la bonne musique ! Ce n'est pas une question de style mais plutôt d'intention.

Sans nous révéler pour autant tes secrets de fabrication, pourrais-tu nous en dire plus en ce qui concerne le développement d'un projet (phase de composition essentiellement)?

Pour le processus de composition, comme je vous le disais précédemment, il n'y a pas une façon de faire, mais plutôt des envies ou des hasards qu'on ne maitrise pas forcément au départ, mais qu'on apprivoise petit a petit. C'est plutôt le fait de s'adapter au process de création qui fait qu'on a une certaine expérience. Je ne peux pas dire qu'il faille commencer par la batterie, puis la basse, ou par une ligne mélodique ou autre chose. C'est chaque fois différent, et c'est ce que je trouve toujours aussi excitant ...

Quels sont tes outils de prédilection (je sais que tu es un fin connaisseur en terme de machines analogiques entre autres) ?

En ce moment je suis comme un dingue devant mon ARP 2600. Je n'y comprends pas grand chose en synthèse soustractive, (c'est tout neuf pour moi mais j'adore), ça donne 1000 idées a l'heure ! J'aime beaucoup le Roland Juno 6 que je trouve simple mais très inspirant. J'apprécie aussi le RITM2, un synthé monophonique russe qui est génial pour faire notamment des sons abstraits.Ses filtres sont diabolique !


Alors que les évolutions technologiques d'aujourd'hui poussent de plus en plus les home-studios à tendre vers le monde virtuel, quels sont selon toi les avantages (mais aussi les inconvénients) de ces solutions pour élaborer un "produit fini" ?

Je ne suis pas expert en matos en général. Personnellement je trouve ça génial de pouvoir combiner le software avec le hardware ... Je ne suis pas non plus un extrémiste de l'analogique ou du vintage. Je trouve par contre les vieux synthés analogiques plus inspirants qu'un soft sur un ordinateur. Par contre si je ne suis pas au studio, je peux tout à fait bosser en virtuel, et ça me convient très bien.

Entre tes concerts avec LBS, tes collaborations avec de nombreux artistes de renom évoluant dans le spectacle vivant ou le monde du cinéma, te reste-t-il encore du temps pour développer tes propres projets ? Si oui pourrai-tu nous en dire plus ?

En ce moment je travaille sur le mastering d'un album d'un projet qui me tient particulièrement à cœur. Il s'agit d'un duo avec le pianiste classique Camille El Bacha. Nous avons trouvé ensemble une alchimie très singulière entre machines, synthés vintage et piano, et ce qui est intéressant aussi, c'est que nous n'avons pas cherché à coller à tel ou tel univers musical mais juste à collaborer avec nos différentes sensations, et là où je suis très satisfait, c'est que le résultat est de qualité sans pour autant être élitiste ! Le nom du groupe, car oui, c'est un groupe, est : LEONE JADIS. C'est un projet qui est parti pour durer. Il y a non seulement matière à faire plusieurs albums, mais aussi et surtout de partir en tournée dès que possible. Le live va être terrible ! Camille est vraiment un super pianiste, et nous avons tout plein d'idées originales et de surprises pour les concerts à venir !


Avec ton expérience et ton background, quel conseils pourrais-tu donner aux jeunes artistes qui aspirent à faire de la musique leur métier ? Quels sont selon toi les écueils à éviter ?

Si j'avais un conseil à donner à des jeunes qui aspirent à faire de la musique, ce serait d'avoir l'esprit ouvert, aussi bien sur le futur de la musique que sur son passé. Je leur dirais d'éviter d'avoir peur, qu'il faut osr faire, (moi j'ai trop souvent eu peur). Ils ont tout a ré-inventer: de nouveaux formats, de nouveaux instruments, etc. Il existe maintenant des outils formidables et facilement accessibles. La société est malade, c'est donc le meilleur moment à mon avis pour être audacieux et créatif !

Merci à toi pour cette interview, et n'hésite pas à revenir nous voir pour nous parler de ton actualité.

Merci à vous et à bientôt.